Pour ce cinquième jour du #ChallengeAZ, je vous propose de partir à la recherche de vos ancêtres émigrés pendant la période révolutionnaire. Qui sont-ils ? Comment vérifier si certains de nos ancêtres étaient considérés comme Émigrés ? Où et comment chercher ? Pour vous aider, je vous propose ici quelques pistes de recherche, basées sur mon expérience personnelle.
Qui sont les Émigrés de la période révolutionnaire ?
Les Émigrés sont des français qui décidèrent de quitter la France pour des raisons politiques et pour se réfugier à l’étranger. Ainsi, près de 150 000 personne quittèrent clandestinement la France entre 1789 et 1800, sans d’autre choix que d’abandonner leurs biens pour combattre de l’extérieur la révolution ou tout simplement échapper à la mort.
Sans mauvaise comparaison avec l’actualité, il est possible de distinguer deux vagues de départ.
La première vague, avant 1792, fut essentiellement composée d’aristocrates, de nobles et de personnes qui étaient contre la révolution en cours. Cette émigration volontaire avait notamment pour but de préparer une contre-offensive pour rétablir la monarchie par les armes. L’arrestation de Louis XVI le 21 juin 1791 à Varennes renforça l’exil. On estime alors qu’en août 1792, au moment de la prise des Tuileries, 30 000 personnes avaient quitté le pays. L’Assemblée nationale vota la loi du 8 avril 1792 sur la confiscation des biens de ceux qui étaient absents du territoire depuis le 1er juillet 1792, puis leur vente. La seconde vague débuta au moment de la Terreur et s’élargit à toutes les classes sociales : noblesse, clergé, bourgeoisie, commerçants, ouvriers, artisans voire paysans. Les lois contres les émigrés se durcirent alors jusqu’à rendre suspect tout parent des prévenus (« loi des suspects » du 17 septembre 1793.
La fin de la Terreur amorça un retour très progressif des émigrés. Lors du Consulat, et dans une volonté d’apaisement, le sénatus-consulte du 6 floréal an X (26 avril 1802), décréta l’amnistie générale des émigrés.
Les émigrés dans notre généalogie
Les émigrés de l’époque révolutionnaire n’étaient donc pas tous issus de la noblesse. Il est ainsi tout à fait possible de retrouver dans sa généalogie la présence de quelques ancêtres qui ont du émigrer, de manière volontaire ou forcée.
Ce fut le cas pour l’époux de mon ancêtre qui était domestique auprès du Comte de Jobal de Lue, au village de Hayes en Moselle. Ce dernier quitta son château pour rejoindre l’armée de Condé en emportant avec lui une partie de sa famille et de ses domestiques. J’ai fait cette découverte par hasard en parcourant le registre de l’état civil de la commune de Hayes. J’y ai ainsi retrouvé l’acte de divorce de Catherine VALENTIN (mon aïeule) d’avec Jacques REGULIER, où il est dit que mon ancêtre se sépare de son époux car il est considéré comme émigré (cf image ci-dessous). A partir de là, je devais mener l’enquête ! Pour en savoir plus, vous pouvez relire cet ancien article.
Où chercher les émigrés originaires de la Moselle ?
Les archives relatives aux émigrés peuvent se retrouver autant dans les archives communales, départementales ou nationales dans des fonds divers et variés. Voyons comment aborder les recherches.
Les listes départementales des émigrés de la Moselle
En théorie, la recherche devrait commencer en consultant les fonds de la série L (période révolutionnaire) aux archives départementales qui contiennent les listes des émigrés du département. Malheureusement ces fonds ont été détruits en 1944, et avec eux toute la mémoire de la période révolutionnaire du territoire. Néanmoins, tout n’est pas perdu car André GAIN a écrit dans les années 1920 la « Liste des émigrés, déportés et condamnés pour cause révolutionnaire de département de la Moselle » a partir des fonds des archives départementales. Au delà d’un simple liste, cet ouvrage développe le contexte de l’émigration en donnant des détails sur les origines et les biens laissés (cf extrait ci-dessous).
Malheureusement, l’ouvrage n’est pas disponible à la consultation gratuite sur internet (Google livre ou Gallica) et il faut donc pouvoir le consulter au format papier. Voici une liste non exhaustive de lieux où le consulter :
- en salle de lecture des Archives Départementales de la Moselle à Saint-Julien-lès-Metz,
- aux bibliothèques universitaires de Metz, Nancy, Strasbourg, Dijon, Poitiers, Rennes…
- à l’École nationale des Chartes…
Les archives communales déposées aux archives départementales
On retrouve de manière très parcellaire des documents relatifs aux émigrés dans les archives communales déposées aux archives départementales de la Moselle. J’ai synthétisé ces informations dans le tableau ci-dessous. Bien évidemment, il sera aussi utile de contacter les archives municipales qui pourraient également posséder de tels fonds.
Commune | Cote | Descriptif |
Fixem | 217ED1J1 | Surveillance des frontières : correspondance sur les citoyens assistant aux offices à Mondorf, villages étrangers, sur les émigrés… 1791-an II |
Forbach | 230ED2J2 | Déclarations d’armes, 1792.- Emigrés : surveillance, radiation, an VIII-an XII.- Brigandage, extraits du greffe du tribunal du département, 1793-1819 |
Gorze | 257ED1D1 | Registres de délibérations du conseil municipal, avec liste d’émigrés. 14ème liste sur la couverture du registres de l’an III |
Moyenvic | 494ED2J1 | Epoque révolutionnaire : poursuite, établissement d’un comité de surveillance, certificats de civisme et de résidence, prêtres réfractaires, émigrés, congrégations, censure de la presse |
Nitting | 513ED2J1 | Société populaire de Nitting : correspondance (an II) ; émigrés (1790)… |
Novéant | 519ED4G1 | Biens des émigrés : instructions |
Novéant | 519ED2J1 | Procès-verbal d’épuration ; instruction sur les faux assignats ; état des émigrés |
Sierck-lès-Bains | 653ED2J2 | […] certificats de civisme, prêtres réfractaires, émigrés : lois, décrets, correspondance (1790-an X) |
Recherches sur Filae
Une autre possibilité est de consulter la base de données du site Filae.com qui recense près de 50 000 individus. Même sans compte premium, il est possible d’interroger la base. Sans compte ou abonnement, il ne sera pas possible d’avoir plus de détail que les informations présentées dans l’exemple ci-dessous. Pour les abonnés, cela ne posera aucun problème.
Les Archives nationales
Les Archives nationales possèdent de nombreux fonds qui concernent les émigrés. Je ne citerai pas tous les fonds relatifs aux recherches tant ils sont nombreux. La sous-série qui peut le plus nous intéresser est la sous-série F/7. Elle conserve notamment la série dite «départementale» (F/7/4826 à 5789/2) des dossiers individuels de demandes de radiation et de main-levée de séquestre en provenance du bureau des Émigrés du ministère de l’Intérieur. Une campagne de numérisation a permis la mise en ligne des dossiers de certains départements. Les documents numérisés sont disponibles via le lien ci-dessous.
Pour aller plus loin dans les recherches aux Archives nationales, n’hésitez pas à consulter ce document complet :
https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/mm/media/download/FRAN_ANX_011692.pdf
Les listes des émigrés imprimées pendant la Révolution et l’Empire
Ces listes ont été constituées à partir des listes locales, puis complétées et mises à jour jusqu’en l’an IX. Formant 12 volumes, elles sont conservées dans la collection dite Rondonneau de la Bibliothèque (sous-série AD/XII) au site de Paris des Archives nationales.
Il existe sans doute d’autres sources possibles pour retrouver un ancêtre émigré pendant la période révolutionnaire. Aussi n’hésitez pas à m’en faire part en commentaire !
9 commentaires sur “Émigrés de la période révolutionnaire de Moselle”
Encore un type de sources complètement inexploré pour moi… Il y a du boulot !
Pareil pour moi, je découvre !
Merci à tous les deux ! Encore de nouvelles recherches en perspective alors 😀
Très bon article, bien documenté. Je rajouterais, comme source documentaire la série Q des domaines qui reprend tous les biens des émigrés saisis durant la révolution avec un index alphabétique par nom d’émigré. J’ignore si ces archives sont disponibles en Moselle, mais elles le sont dans la plupart des départements.
Merci beaucoup ! Oui effectivement on retrouve des éléments en sous-série 1Q notamment. Malheureusement, les archives ont également été détruites en 1944 en Moselle.
C’est l’inconvénient des départements « guerriers »
Effectivement Christine. Merci pour le commentaire 🙂
Merci pour ce cours d’histoire. Ce challenge est passionnant. Je n’avais pas idée qu’il y avait autant de sources à étudier.
Merci beaucoup Béatrice. Oui les fonds et sources sont nombreux et diversifiés. Moi-même j’en découvre très régulièrement.