Pour ce deuxième jour du #ChallengeAZ 2020, je vous propose une plongée dans les fonds les plus utilisés par les généalogistes: les registres paroissiaux et d’état civil. Dans cet article, je vais vous expliquer pourquoi il existe des différences dans la tenue des registres paroissiaux en Moselle et je vous montrerai les particularités des registres d’état-civil par rapport au reste de la France.
Article mis à jour le 19/08/2022
Les registres paroissiaux (jusqu’en 1791/1793)
Un peu d’histoire pour comprendre la variabilité des ressources disponibles
La tenue des registres paroissiaux est fortement liée à l’histoire de la Moselle et à son découpage administratif qui reflète notamment comment le pouvoir du roi de France s’est peu à peu imposé. Pour bien comprendre, il faut revenir plus de 300 ans en arrière. Le territoire de la Moselle (dans sa forme actuelle, après l’annexion de 1871), et plus largement de la Lorraine, était en effet très morcelé comme le montre la carte ci-dessous. Ainsi, on retrouve les anciens territoires :
- Des Trois-Évêchés (celui de Metz en l’occurrence) en bleu,
- Du Duché de Lorraine en beige clair et du Duché de Bar en jaune,
- Des quelques enclaves sous domination étrangère.
Alors que les Trois-Evêchés ont été officiellement rattachés au Royaume de France par les traités de Westphalie en 1648, ceux des Duchés de Lorraine et de Bar n’ont été intégrés qu’en 1766. Cela signifie de manière concrète que les Ordonnances (dont celle de Villers-Cotterêt de 1539) et toute la législation française ne se sont imposées que de manière progressive et différemment selon les paroisses. Cette particularité se retrouve notamment au niveau de la réalisation de doubles registres qui n’a été véritablement appliquée qu’à partir de 1737 pour les territoires des Trois-Évêchés, et 1765 pour ceux des Duchés de Lorraine et de Bar !
C’est pour cela que les collections les plus complètes en Moselle sont celles des communes car celles du Greffe ne sont que très parcellaires. Ainsi, les registres numérisés par les archives départementales concernent uniquement les registres conservés par les paroisses et communes et qui ont été déposés. Progressivement, les communes qui conservent leurs archives prêtent ces dernières pour qu’elles soient numérisées par les services du département.
Concernant les paroisses protestantes, des registres existent jusqu’à la date de la révocation de l’édit de Nantes, en 1685. Il s’agit notamment des paroisses de Baerenthal, Berling, Courcelles-Chaussy, Fénétrange, Hangviller, Hilbesheim, Lixheim, Metting et Schalbach, Metz, Mittersheim, Morhange, Niederstinzel, Phalsbourg, Philippsbourg, Postro, Vescheim, Vibersviller, Vilsberg, Wintersbourg et Zilling.
Enfin, pour le culte israélite, des registres existent pour la ville de Metz à partir de 1717 (accessibles en ligne).
Rechercher dans les registres paroissiaux de la Moselle
Pour accéder aux registres paroissiaux, il faut dans l’ordre :
- D’abord vérifier dans les registres paroissiaux en ligne si la paroisse a bien été numérisée sur la période recherchée,
- Ensuite, si les registres ne sont pas en ligne, deux solutions alternatives existent : soit vérifier dans les microfilms de substitution, soit prendre contact avec la mairie lorsque les registres n’ont pas été numérisés car non déposés aux archives départementales (comme le montre l’exemple ci-dessous).
Dans le dernier cas, il sera nécessaire de se déplacer en salle de lecture pour visualiser les microfilms ou bien dans les mairies ou archives municipales. N’oubliez pas que l’entraide généalogique fonctionne aussi, notamment au travers des réseaux sociaux et des cercles généalogiques locaux.
L’état civil en Moselle
L’état civil est apparu en France pendant la révolution française par un décret de l’Assemblée Législative du 20 septembre 1792. Il retire la tenue des registres aux curés pour les confier au maire de chaque commune qui doit ainsi constater les naissances, mariages et décès. Avant l’annexion en 1871, l’état civil en Moselle ne change pas par rapport aux autres départements français puisqu’il en suit les règles.
Attention aux fusions de communes pendant le premier Empire
La création des communes en 1789 fut réalisée sur la base des paroisses pré-existantes ou des communautés d’habitants, entrainant la création de plus de 44000 communes en 1790 en France. Le département de la Moselle, dans ses anciennes limites avant l’annexion, comprend alors plus de 900 communes. Durant le premier Empire, près de 300 furent fusionnées afin de rationaliser le découpage administratif, l’existence de communes de 50 ou 60 habitants étant peu tenable. Ainsi, ces anciennes « petites » communes ont pendant près de 20 ans possédé leur municipalité et leur propre état civil. La fusion fut réalisées sans logique historique, et il existe quelques bizarreries. Par exemple, les villages de Schell et Vinsberg dépendaient de la paroisse de Luttange avant 1790. Schell-Vinsberg, érigé comme commune pendant la révolution, fut ensuite rattaché à celle de Volstroff, plus au nord en 1811.
Le cas des communes rattachées à la Prusse
Lors de sa création en 1790, la Moselle comprenait une partie de territoires aujourd’hui situés dans la Sarre qui ont été retirés à la France après les traités de Paris de 1814 et 1815 : les cantons de Rehlingen, de Sarrelouis, de Tholey, et une partie du canton de Sierck. Les recherches s’effectueront donc dans les archives de la Sarre dont une grande partie sont en ligne sur le site de Family Search. Cet article vous explique la démarche à suivre.
Les périodes d’annexion
A partir de 1871, l’annexion change la donne. La loi française reste de mise pendant les premières années avant d’être remplacée par la loi fédérale allemande. Plusieurs informations sont à prendre en compte :
- La loi fédérale allemande demeure jusqu’au rétablissement de la législation et de la réglementation française au 1er janvier 1925.
- Les actes sont écrits sur des formulaires pré-imprimés dès 1872.
- L’allemand est immédiatement utilisé dans les secteurs germanophones du nord et de l’est de la Moselle. Dans les secteurs francophones, les papiers pré-imprimés sont d’abord bilingues entre 1872 et 1893 avant d’être totalement en allemand en 1894.
- La religion est mentionnée sur les actes entre 1876 et 1924.
Une des difficultés est liée, pendant la période de l’annexion de 1871 à 1918, à l’emploi de l’écriture cursive allemande ou Kurrentschrift dont la transcription peut s’avérer difficile. J’en reparlerai plus précisément dans de prochains articles.
Pendant l’annexion de 1940 à 1945, les lois du Troisièmes Reich furent appliquées avec une réforme des circonscriptions administratives. Des communes de premier rang et de deuxième rang furent créées. La tenue de l’état civil fut transférée aux seules 166 communes de premier rang qui intégrait donc les naissances, mariages et décès des communes de deuxième rang et annexes qui en dépendaient. Pour trouver le nom de la mairie de rattachement, il est nécessaire de se reporter au répertoire de l’état civil de la Moselle.
Rechercher dans l’état civil mosellan
La mise en ligne de l’état civil mosellan s’est faite de manière très progressive et sur une période limitée à 1792-1871. En effet, la mise en ligne des registres datant de l’annexion pose souci du fait de la mention de la religion des intéressés. Or, selon l’article 8 de la Loi Informatique et Libertés, les informations religieuses constituent des données dites « sensibles ». Suite à la délibération n°2012-113 du 12 avril 2012 de la CNIL, les « données sensibles peuvent être accessible […] au-delà d’un délai de 150 ans ». Concrètement, cela signifie donc que l’on pourra avoir accès l’état civil de l’année 1876 en 2027… Sur ce point, la décision du département de la Moselle est claire et il souhaite se conformer aux règles de la CNIL.
Le département a conventionné avec FamilySearch en 2019 afin de pouvoir récupérer les images numérisées des microfilms de l’état civil réalisés par l’entreprise à partir du milieu des années 1960. Les archives ont récupéré 7 disques durs, qui contiennent plus de 20 To d’images de l’état civil entre 1792 et 1892. Fin 2019 et début 2020, les AD57 ont du déployer une infrastructure de stockage suffisante pour pouvoir manipuler et classer ces informations, inutilisables en l’état car non classées par communes, ni par type d’acte ni par date.
Durant le début d’année 2022, les registres de l’état civil on progressivement été mis en ligne pour la période 1792-1871. Depuis le 20 juin 2022, l’ensemble des registres, en possession des AD57, ont été mis en ligne pour cette période.
Pour la période 1792-1952, il est également possible de consulter l’ensemble des tables décennales qui ont été numérisées et mises en ligne.
Pour les chanceux qui ont des ancêtres à Metz et dans les communes rattachées, les registres de l’état civil sont numérisés et en ligne jusqu’en 1921 pour les naissances, et jusqu’en 1946 pour les mariages et décès.
Ainsi, dans la grande majorité des cas, il sera nécessaire de consulter les fonds de l’état civil en salle de lecture :
- soit sur microfilm lorsque les registres ont été microfilmés,
- soir en consultant les originaux pour les registres non microfilmés (en général à partir du début du 20ème siècle et jusqu’en 1953).
ATTENTION AUX RÈGLES DE COMMUNICABILITÉ EN SALLE DE LECTURE : Il faut tenir compte d’un délai de 75 ans pour la consultation des registres des naissances et des mariages (les registres de décès et tables décennales sont communicables sans délai). Cela signifie qu’à la date de publication de cet article (novembre 2020) seuls les registres de naissances et de mariages jusqu’en 1944 sont communicables.
Pour faciliter les recherches, il est toujours possible de consulter des relevés des cercles généalogiques du département de la Moselle. Ces derniers sont intégrés dans la base de données de Filae, mais l’accès est payant et ne renvoie pas vers les actes eux-mêmes.
Pour aller plus loin : Fiche d’aide à la recherche des archives départementales de la Moselle : »Particularités des registres paroissiaux et de l’état civil mosellan« .
21 commentaires sur “BMS et NMD : registres paroissiaux et état civil en Moselle”
Même pour la source la plus simple c’est compliqué !
Oui effectivement. Après, je pense que chaque département a ses propres complications liées aux vicissitudes de l’histoire.
Conclusion : si vous avez des ancêtres en Moselle, vous apprendrez à être patient et à utiliser de vieux lecteurs de microfilms aux AD57… 🙂
En quelque sorte oui :D, c’est d’autant plus vrai pour les paroisses et communes du Bitcherland malheureusement.
Je ne désespère pas en tout cas !
Article très intéressant qui peut aussi être applicable pour les autres départements pour l’histoire des registres. Merci.
Merci Elodie ! Oui effectivement, beaucoup des informations que je donne sont applicables pour le reste de la France.
Merci pour cette présentation et cette information de dernière minute qui donne de l’espoir pour le XIXe siècle, même s’il faut encore attendre 🙂
Merci Estelle ! On va encore attendre un peu effectivement. La patience n’est-elle pas une qualité importante en généalogie ? 😉
Les registres paroissiaux mosellans sont-ils rédigés en Latin comme en Alsace jusqu’en 1792? J’attends votre article sur le Kurrentschrift qui me donne des « convulsions » quand j’essaie de déchiffrer des actes alsaciens des périodes d’occupation.
Merci Annick pour la question et le commentaire ! Tout dépend des paroisses. On dit souvent qu’on retrouve du latin plutôt dans les secteurs germanophones (au nord et à l’est du département). En fait, ça dépend des paroisses. En général, on retrouve les actes en latin plutôt au début du 18ème.
Mon cher cousin, j’ai sillonné la Moselle de mairie en mairie pendant au moins 3 étés… c’était il y a très très longtemps mais, compte tenu de la difficulté aujourd’hui encore à chercher dans ce département, je ne regrette rien. Très bel article technique en tous les cas.
Merci beaucoup Catherine pour ton commentaire ! Une grande partie du travail réalisé par mon papa dans les années 1990 s’est fait grâce à des courriers et des coups de téléphone aux mairies. La généalogie prenait son temps… 🙂
En 2022 j’aurai encore un peu plus de temps pour me consacrer à la généalogie, je vais patienter à défaut de pouvoir me déplacer!
Ach, j’ai failli être sur cette carte, mais on y trouve Aumetz et Hayange, Longwy n’est pas en Moselle 🙂 Bravo pour ces explications.
Tu peux retrouver cette carte sur Gallica.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10224873g
(en espérant que le permalien fonctionne !)
Merci, le lien fonctionne bien
Cela fait longtemps que je ne me suis pas plongée dans ma branche Moselane, je me rappelle avoir été bloquée par cette histoire de mention de religion. Et tu n’annonces pas de bonnes nouvelles à court terme !! 🙂
Non effectivement, on risque d’être bloqués un certain temps, à la fois pour ces questions de mention religieuse, et d’autre part du fait des moyens nécessaires pour mettre en ligne l’état civil.
Bonjour,
j’ai des difficultés au niveau de Metz
comment savoir lequel il faut prendre ?
Pouvez vous m’indiquer comment me réferencer ?
je vous en remercie à l’avance
Lena
Bonjour Lena,
Concernant Metz, tout dépend de la période. Pour la période post-révolutionnaire, le mieux est de consulter les tables décennales (sur les site des AD57 ou des AM de Metz). Pour l’ancien régime, c’est plus compliqué avec le découpage par paroisse et l’absence d’index ou de table. Une solution est de s’aider des recherches déjà réalisées ou des indexations réalisées notamment sur Filae, même si la qualité de l’indexation n’est pas géniale…
Bon courage pour vos recherches !