Kurrentschrift, Frakturschrift (1)

Lorsqu’on s’intéresse à l’histoire et à la généalogie en Moselle et en Alsace, on se heurte rapidement au problème de la langue allemande (notamment pendant les périodes d’annexion). Plus difficile encore est la lecture des documents qui sont rédigés en écriture gothique, qu’elle soit en caractère d’imprimerie ou en écriture cursive (Frakturschrift et Kurrentschrift). Dans cet article, je souhaite vous donner quelques pistes afin de mieux aborder le déchiffrage de ces documents.

Attention : je ne suis pas un spécialiste de l’écriture cursive allemande et je fais simplement part de mon expérience dans ce domaine.

Kurrentschrift, Frakturschrift et Sütterlin

Frakturschrift : l’écriture typographique

La Frakturschrift ou Fraktur est une écriture typographique de style gothique et qui est utilisée dans les territoires germaniques depuis le XVIème siècle. A l’inverse, dans le reste de l’Europe, l’écriture en usage était déjà celle que nous connaissons encore aujourd’hui : l’Antiqua.

Parmis les particularités, la Fraktur comporte deux graphies de la lettre s en minuscule : le s-rond (s) et le s-long (ſ) que l’on rencontre également dans des documents anciens en France. L’usage du s-rond ou du s-long différe notamment selon la position de la lettre dans le mot. Ces régles s’appliquent également en écriture cursive (Kurrent).

La plupart des documents officiels et notamment les formulaires pré-imprimés de l’état civil sont écrits en Fraktur comme dans l’exemple que je présente plus loin.

La Fraktur fut abandonnée par les nazis en 1941 car elle était prétendue d’origine juive (ce qui n’est pas le cas). Plus vraissemblabement, cette écriture minoritaire en Europe ne facilitait pas vraiment la propagande auprès des pays occupés.

Alphabet en Frakturschrift

Kurrentschrift : l’écriture cursive

La Kurrentschrift ou Kurrent est la forme cursive de l’écriture gothique allemande. Comme la plupart des écritures cursives, celle-ci a évolué au fil du temps avant d’être stabilisée au XIXème siècle sous sa forme « Kurrent« .

Cette écriture est caractérisée par la forme penchée de ces lettres qui rendent la lecture plus difficile pour le non-initié. Vous remarquerez également que certaines lettres diffèrent beaucoup des formes latines. C’est le cas du B, du C…

Considérée comme difficilement lisible, l’enseignement de la Kurrent fut remplacé par celui de la Sütterlin.

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/35/Deutsche_Kurrentschrift.jpg/895px-Deutsche_Kurrentschrift.jpg
Deutsche Kurrentschrift – Wikimedia Commons – Domaine public

Sütterlin

La Sütterlin a été mise au point en 1911 par Ludwig Sütterlin. L’écriture diffère peu de la Kurrent si ce n’est que la graphie est plus simple, droite et aérée. L’usage de cette écriture ne se développera qu’après la première guerre mondiale et sera abandonnée également en 1941/1942. On ne la retrouvera donc que durant les premières années de l’Annexion de fait de 1940.

Ecriture Sütterlin (Wkimedia Commons)

Comment s’y prendre ?

Les difficultés de la Fraktur et du Kurrentschrift

De prime abord, la lecture d’un texte en gothique allemand, et a fortiori en Kurrentschrift, peut paraître insurmontable. C’est effectivement ce sentiment que j’ai eu lorsque j’ai eu entre les mains une lettre écrite par mon arrière-grand-père à ses parents en 1917. La transcription est d’autant plus compliquée que le texte est en allemand avec des mots parfois inconnus, surtout pour les non-germanophones. Bien évidemment, l’exercice demande au départ beaucoup de temps pour que l’on commence à s’habituer aux spécificités de l’écriture et à ses difficultés.

Au début, l’erreur classique est de se tromper de lettre. Par exemple le B majuscule ressemble à s’y méprendre au L. Et que dire du H qui pourrait ressembler à un G ou bien encore du M qui pourrait s’apparenter à un W ? Concernant les minuscules, la différenciation du e, du i, du c et du u a de quoi nous faire tourner la tête. Quoi qu’il en soit, c’est avec de l’expérience que l’on arrive peu à peu à s’habituer au graphisme des lettres.

Débuter par les actes de l’état civil datant de l’annexion (1871-1918)

Personnellement, je vous conseille de débuter par la transcription et la traduction des actes d’état civil de l’époque de l’Annexion de 1871-1918. En effet, l’utilisation de documents pré-imprimés facilite la tâche car les informations sont situées à peu près au même endroit. Pour les actes du début de l’annexion, les documents peuvent être écrits en français et en allemand. Enfin, les noms de lieux et patronymes sont généralement écrits en écriture latine, ce qui facilite l’idenfication des actes qui peuvent nous intéresser.

Pour vous aider, les archives départementales du Bas-Rhin proposent un guide intitulé « Lire les actes en allemand » qui pourra vous être d’une grande utilité. Vous vous habituerez petit à petit aux lettres et aux mots qui reviennent le plus souvent.

Extrait de l’acte de décès de Marie-Catherine BECKER, Registre des décès de la commune de Volstroff pour l’année 1902 (Mairie de Volstroff)
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Nr. 13
Wolsdorf am 20. Dezember 1902.
Vor dem unterzeichneten Standesbeamten erschien heute, der Persönlichkeit
nach
bekannt,
der Ackerer Peter Hourte
wohnhaft in Weinsberg, Gemeinde Wolsdorf
und zeigtean, daß seine Schwiegermutter Maria
Katharina geb.(oren) Becker, ohne Stand
76 Jahre alt, katholischer Religion
wohnhaft in Weinsberg,…


N°13
Volstroff, le 20 décembre 1902.
Devant moi, soussigné officier d’état civil, est comparu, aujourd’hui, le cultivateur Pierre Hourte, personnellement connu, demeurant à Vinsberg, commune de Volstroff,
qui a déclaré que sa belle-mère, Marie Catherine, née Becker, sans profession, 76 ans, de religion catholique, demeurant à Vinsberg…

Quelques règles de transcription

Comme pour toute transcription en paléographie, il est utile de rappeler quelques règles utiles :

  • Numéroter les lignes et transcrire selon la même numérotation. Pour la traduction, il ne sera pas nécessaire de revenir à la ligne car les structures des phrases différent en allemand et en français.
  • Réaliser une première lecture de l’ensemble du document en essayant de retrouver des mots connus, et éventuellement essayer de comprendre le sens général.
  • Travailler ensuite sur les mots. Essayer de retrouver les lettres les plus simples à identifier (les majuscules et les minuscules des lettres facilement reconnaissables).
  • Munissez vous d’un dictionnaire allemand/français et si possible, de vieux dictionnaires ou de tout autre document qui vous permettra de vérifier ou de rechercher des mots qui pourraient ressembler à celui qui est écrit.
  • Utiliser des guides d’aide à la lecture (cf la partie « Aller plus loin »).
  • En dernier recours, quand vous bloquez, faites appel à l’entraide généalogique sur les forums ou sur les réseaux sociaux 🙂 !

Aide à la lecture : les liens familiaux

Voilà longtemps que je voulais créer un lexique de mots en y intégrant les écritures typographiques et cursives. Je souhaite vous partager celui que j’ai créé et qui reprend les principaux liens familiaux que l’on retrouve dans les actes d’état civil en allemand. J’espère que ce document vous sera utile. S’il y a des erreurs, n’hésitez pas à m’en faire part !

Lexique_liens-familiaux_kurrent-fraktur_v2

Le fichier est téléchargeable dans le lien suivant : Lexique des principaux termes allemands relatifs aux liens familiaux. Si vous le téléchargez, faites moi un petit commentaire, ce sera toujours plus sympathique 🙂 !


Pour aller plus loin

Archives départementales du Bas-Rhin. Lire les actes en allemand. [En ligne]

DUEZ Nathanaël, 1670. Kurze französische Grammatica. [En ligne]

KASSER-FREYTAG Doris, 2015. Manuel de paléographie alsacienne du XVIe au XXe siècle. Ed. Archives & Culture. Paris. 210p.

PICARD, Jacques, 2020. L’histoire mouvementée de l’écriture Fraktur. Dicopathe. [En ligne]

VAILLOT Benoît, 2018. Courte histoire de l’écriture allemande aux XIXe et XXe siècles. Deutsche Paläographie des 19. und 20. Jahrhunderts. [En ligne]

Sites internet utiles :

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