J’ai très peu d’ancêtres ou de collatéraux ayant vécu à Paris. Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque, au détour d’un acte de mariage, je découvre qu’un de mes aïeux, Pierre HOURTE, vivait dans la capitale au moment de son mariage. Pourtant, il était né en Moselle et y avait vécu jusqu’à la fin de sa vie. Dans cet article, je vous partage le déroulement de mon enquête qui m’a permis d’en savoir un peu plus sur la vie parisienne de mon ancêtre !
Présentation du protagoniste
Le Pierre HOURTE dont il est question dans cet article n’est pas mon arrière-grand-père mais le grand-père de ce dernier.
De l’intérêt de varier les sources
Un acte de mariage civil qui pose question
De manière assez classique, mes recherches concernant Pierre HOURTE et Catherine CONNERATH ont débuté par la recherche des actes de naissance, mariage et décès. Je n’avais jusque là que des relevés du Cercle généalogique de la Moselle et je m’en contentais. Pourtant, lors de la mise en ligne des actes d’état-civil de l’arrondissement de Thionville, je fus surpris par la lecture de leur acte de mariage, célébré à Basse-Ham (Moselle), le 11 avril 1849. On y lit ainsi que Pierre HOURTE était domicilié à Paris, mais vivant à ce moment là à Inglange. J’étais très étonné car je n’avais trouvé aucune trace de ce passage parisien jusque là. Malheureusement, je n’avais aucun autre indice et je pensais ne jamais en savoir plus.
Un acte de mariage religieux beaucoup plus précis
La généalogie ne s’arrête pas à l’état civil et vous allez le voir, les sources complémentaires peuvent être beaucoup plus bavardes ! Par chance, les registres de catholicité de la paroisse de Basse-Ham ont été déposés aux Archives départementales de la Moselle et j’ai pu ainsi retrouver l’acte de mariage religieux de mes aïeux. Je pense avoir été bien inspiré ce jour-là, puisque le curé de la paroisse avait eu la bonne idée de préciser l’adresse où habitait le marié :
J’y apprends que Pierre HOURTE n’était pas sans profession, mais ouvrier à Paris et qu’il était domicilié au n°86 de la rue Ménilmontant. Fin du second épisode !
De nouvelles informations dans les mariage religieux de ses deux sœurs à Paris
Comme chaque semaine, je parcours machinalement les alertes que me propose Geneanet, sans véritable attente puisque le plus souvent, les alertes ne m’apportent pas plus d’informations que ce que j’ai déjà. Pourtant, quelle ne fut pas ma surprise de retrouver l’acte de mariage religieux d’une des sœurs de Pierre : Madeleine HOURTE. Cette dernière s’était mariée avec Michel METZELER dans la paroisse Saint-Pierre de Montmartre à Paris en avril 1846. Tous les deux, originaires d’Inglange, s’étaient installés à Paris où elle était fleuriste et lui ouvrier. Et puis, en parcourant l’acte, je retrouve parmi les témoins un certain Pierre HOURTE, tondeur d’étoffes, frère de la mariée, et domicilié au 86 rue de Ménilmontant…
Moins d’un an plus tard, le 6 février 1847, je retrouve le mariage d’une seconde sœur de Pierre, Christine HOURTE, qui se marie avec Pierre ZIMMETTE. Tout comme l’acte précédent, mon aïeul est cité comme tondeur vivant au 86 rue Ménilmontant. Enfin, parmi les autres témoins, il y a un autre frère, Jacques HOURTE qui était également tondeur.
Ainsi, dans ces différents actes, j’apprends que plusieurs frères et sœurs ont quitté leur village natal pour « tenter leur chance » à Paris. Parmi eux, Pierre HOURTE a vécu au moins 3 ans au 86 rue Ménilmontant et exerçait le métier de tondeur.
Une famille « presque parisienne »
Finalement, après plusieurs heures de recherches sur le site des archives de Paris, j’ai réussi à retrouver la trace de tous les frères et sœurs de Pierre HOURTE, enfants de Jacques et Marie KIEFFER. Tous, à un moment de leur vie, ont ainsi vécu dans la capitale. Voilà des informations qui remettent en cause certaines idées reçues que j’avais sur mes aïeux.
Le métier de tondeur d’étoffes ou tondeur de draps
Parmi les informations nouvelles, j’ai appris que Pierre HOURTE était tondeur d’étoffes. C’est un métier que je ne connaissais pas vraiment. La définition donnée par Wikipédia est la suivante : « Le tondeur ou retondeur de draps est un métier du textile consistant à lustrer et lisser les étoffes et les draps pour les rendre plus unis et plus ras (tondage). »
Dans le Dictionnaire Raisonné Universel des Arts et Métiers de Pierre Jaubert (1773), on retrouve une autre définition de ce métier :
A l’origine, le maniement des ciseaux qui pesaient jusque 18kg était difficile, épuisant et nécessitait un coup d’œil précis. A partir du XVIIIe siècle et surtout du début du XIXe siècle, des tondeuses mécaniques voient le jour et permettant une augmentation de la production ( JARRIGE, François, 2012). C’est sans doute ce type de machine que devait utiliser Pierre HOURTE.
A la recherche du domicile de Pierre HOURTE
Le cadastre et les plans anciens de Paris
Accessible depuis le site internet des Archives de Paris, le cadastre de Paris de 1810-1836 permet de retrouver les représentations détaillées des rues et bâtiment. D’après le plan de l’îlot n°5 du Quartier de Popincourt, on retrouve le numéro 86 situé non loin du croisement de la rue de Ménilmontant avec la rue Saint-Maur. On remarque également que ce n°86 est constitué de 14 travées dont une correspond à un passage entre les deux rues que je viens de mentionner.
Pour mieux me représenter les lieux, j’ai souhaité localiser cet immeuble dans le Paris d’aujourd’hui. Malheureusement, j’ai beau chercher, je ne retrouve aucune intersection entre la rue de Ménilmontant et la rue Saint-Maur. Et puis, en recherchant un peu sur internet, j’apprends que la rue de Ménilmontant a changé de nom.
C’est en 1864 que l’ancienne rue de Ménilmontant prend le nom de « rue Oberkampf ». Située dans les anciens quartiers industriels de Paris, le nom a été donné en mémoire de Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815) né en Allemagne d’une famille de teinturiers. (Source : https://www.evous.fr/Le-passe-et-l-histoire-de-la-rue-Oberkampf,1170211.html).
La recherche de cartes postales anciennes me permet de retrouver une vue de la rue Oberkampf depuis la rue Saint-Maur. On peut y voir les anciens numéros 84 et 86. Au numéro 84, au coin de la rue, on retrouve une épicerie. On remarque ensuite un long bâtiment constitué d’un rez-de-chaussée, deux étages, et enfin un étage sous les combles. Le bâtiment semble être le bon, puisqu’on compte 14 travées. Enfin, si vous observez bien, vous retrouverez au niveau de la cinquième travée depuis le fond de la rue (vers le nord), une porte cochère qui correspond au passage visible sur le plan plus-haut.
Le bâtiment aujourd’hui
Je n’habite pas à Paris et je ne peux me rendre directement sur place. Néanmoins, grâce à Google StreetView, je peux visualiser la rue actuellement.
Le bâtiment existe toujours. Situé actuellement 96-98 rue Oberkampf, il compte toujours 14 travées. On remarque toujours la porte cochère permettant le passage vers la rue Saint-Maur.
Comme toujours, nous ne sommes jamais au bout de nos surprises en généalogie. Les actes de l’état civil sont une entrée obligatoire pour esquisser la vie de nos ancêtres. Pourtant, ils paraissent bien insuffisants pour comprendre leur vie et leur quotidien.
Sources
Archives départementales de la Moselle :
- Registres de catholicité de la paroisse de Basse-Ham -BMS (1831-1850) – 61J53/1C3
- État civil de la commune de Basse-Ham – NMD (1842-1854) – 9NUM/1MIE53/6
Archives de Paris
- Registres de catholicité de la paroisse Saint-Pierre de Montmartre (Paris) – Mariage (1846-1847) – D6J 1553
- Cadastre de Paris par îlot, dit Atlas Vasserot (1810-1836) – 30e quartier, Popincourt, îlot n°5 – F/31/87/06
Ouvrages et sites internet :
JARRIGE, François, 2012. Les tondeurs européens à l’épreuve des mécaniques : approche comparée des négociations sociotechniques dans l’industrie lainière (1750-1850) In : La gloire de l’industrie : XVIIe-XIXe siècle. Faire de l’histoire avec Gérard Gayot [En ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2012
JAUBERT, Pierre, 1773. Dictionnaire Raisonné Universel des Arts et Métiers, Volume 4. 446p. [En ligne]
8 commentaires sur “Le bref passage de Pierre HOURTE à Paris”
Sérendipité, toujours à notre service 🙂
Mais oui ! Totalement !
Ah Paris ! Plusieurs de mes branches n’ont fait qu’y passer également…
Merci Christelle pour ta lecture ! Tout comme pour toi, mon aïeul n’a fait que passer, mais je t’avoue que jusque-là je n’avais jamais imaginé ce cas !
Une belle enquête. Bravo !
Merci beaucoup Marie !
Je découvre cet article un peu (trop) tardivement. J’aime beaucoup ces recherches qui nous permettent de déambuler dans les rues de la capitale. Belles recherches et je ne connaissais pas non plus ce métier de tondeur d’étoffes !
Un grand merci Pascalina pour ton commentaire. C’est très gentil 🙂
J’aime aussi beaucoup ces recherches qui nous font voyager dans l’espace et dans le temps !