Justice de paix et tribunaux de baillage en Moselle

Cet article du #ChallengeAZ est une mise à jour d’un ancien billet que j’avais écrit il y a plus d’un an et demi sur mon ancien blog. La justice de paix a été créée sous la révolution française pour apporter aux citoyens une justice de proximité, capable de résoudre les affaires de la vie quotidienne. Cependant, comme dans de nombreux domaines, l’Annexion de 1871 a entrainé le remplacement de cette juridiction par des tribunaux de baillage.

Présentation et intérêt des fonds

Justice et juges de paix

Les justices de paix ont été instaurées par la loi des 16 et 24 août 1790. Héritières des justices seigneuriales (j’en reparlerai dans un futur article), elles ont été voulues comme une justice de proximité, gratuite, et capable de résoudre les litige de la vie quotidienne par des démarches de conciliation. Elles concernent par exemple les petites affaires personnelles ou mobilières, les affaires de famille, les conflits entre locataires et propriétaires…

Chaque canton possédait un juge de paix qui était assisté par des assesseurs ou suppléants. D’abord élus par les citoyens du canton, ils ont ensuite été choisis sur une liste établie par une assemblée cantonale et nommé pendant 10 ans. En 1814, les juges de paix furent désignés pour une durée illimitée.

On retrouve par exemple des actes des conseils de famille, présidés par le juge de paix, comme c’est le cas dans l’exemple ci-dessous. Dans cet acte, Barbe CABIROLLE, veuve de Nicolas ROSAIRE, sera confirmée comme tutrice des trois enfants encore mineurs au moment du décès de son époux.

Extrait du conseil de famille du 22/06/1835, présidé par le Juge de paix du canton de Metzervisse (AD57 – 11 U 26).

On retrouve également des actes relatifs aux levés de scellés, réalisés avant la tenue des inventaires après décès ou bien, comme dans cet autre exemple, des décisions d’émancipation de mineurs. Celui-ci est relatif à l’émancipation de Jean Jacques REGULIER, alors âgé de 18 ans, fils des défunts Jacques REGULIER et Catherine VALENTIN.

Jugement d’émancipation de Jean Jacques REGULIER, conseil de famille présidé par le juge de Paix du canton de Vigy (AD57 – 39 U 5).

Les archives de la justice de paix (et de baillage) constituent donc des fonds très intéressants pour le généalogiste. Ce sont des sources complémentaires qui permettent de pénétrer dans le quotidien de la vie de nos ancêtres et de leurs familles.


Les modifications de la période de l’annexion de 1871 à 1918 : les tribunaux de baillage

Avec l’annexion de la Moselle en 1871, le gouvernement allemand choisit, dans un premier temps, de maintenir l’organisation judiciaire française en procédant à quelques ajustements de conscriptions territoriales. Le nombre de justices de paix est ramené à 28 par le regroupement des cantons peu peuplés. Cette répartition restera comme telle jusque dans les années 1878 /1879. Par contre, même si le modèle français perdure, la grande majorité des juges de paix nommés en juillet 1871 sont d’origine allemande (Roth, 2011).

La loi du 4 novembre 1878 supprime définitivement les Justices de paix en Alsace-Moselle qui sont remplacées par des tribunaux de baillage (ou Amtsgerichte). Les affaires traitées par le juge du tribunal de baillage concernaient les affaires civiles et commerciales d’une valeur inférieure à 300 Marks et sans limite de valeur dans les affaires de contestations entre propriétaires et locataires ou les contrats de travail (HIEGEL, 2004).

Les justices de paix de Thionville et Metzervisse ont été réunies en 1879 pour former le tribunal de baillage de Thionville. De la même manière, les trois justices de paix de Metz ont été réunies avec celles de Courcelles-Chaussy et Verny pour former le tribunal de baillage de Metz. Des nouveaux tribunaux de baillages sont ensuite installés à Rémilly, Rombas, Hayange, Audun-le-Tiche et Morhange.

De 1919 à 1958 : tribunaux cantonaux

Lors du retour à la France de l’Alsace et de la Moselle, un décret du 6 décembre 1918 maintient les tribunaux de baillage sans toucher à leurs ressorts. La loi du 25 juillet 1923 réorganisa la justice dans les trois départements recouvrés mais sans revenir totalement au système français. Ainsi, les tribunaux de baillage furent maintenus sous la dénomination de tribunaux cantonaux.

Lors de l’annexion de fait par le troisième Reich entre 1940 et 1944, les tribunaux de baillages furent rétablis avant d’être à nouveau remplacés par les tribunaux cantonaux à la libération, et cela jusqu’à la réforme de 1958 qui supprima les justices de paix.


Les fonds des justices de paix et de baillage en Moselle

Période révolutionnaire (1791-An XI)

Les archives de la série L des archives départementales de la Moselle ont été entièrement détruites en 1944. Une série 2L a été reconstituée ensuite dès 1945 à partir de réintégration de documents conservés dans les greffes, des mairies et grâce à des achats et des dons. Ce fut le cas pour les fonds des justices de paix de la période de 1791 à l’an XI qui sont cotés de 2L85 à 2L191. Ils concernent notamment les cantons (actuels ou anciens) de :

  • Ars-sur-Moselle (Justices de Gorze et Rozerieulles)
  • Boulay (Justices de Boulay et Ottonville)
  • Bouzonville (Justice de Launstroff)
  • Breidenbach
  • Courcelles-Chaussy (Justices de Maizeroy et Varize)
  • Faulquemont (Justices de Faulquemont, Herny, Longeville-lès-St-Avold, Thicourt et Vatimont)
  • Forbach,
  • Metz 1
  • Metz 2 (Justices de Metz 2 et Lorry-lès-Metz)
  • Metz 3 et 4 (Justices de Metz 3 et 4 et d’Augny)
  • Metzervisse (Justices d’Inglange, Koenigsmacker et Luttange)
  • Pange (Justice de Raville)
  • Rohrbach-lès-Bitche
  • Saint-Avold,
  • Sarralbe (Justices de Sarralbe et Puttelange-aux-Lacs)
  • Sierck (lès-Bains)
  • Vigy (Justice d’Argancy)
  • Volmunster.

De la révolution à l’Annexion en 1871 

Les archives des justices de paix de l’an X à 1871 ont été versées aux archives départementales de 1933 à 1953.

Selon les cantons, les collections sont plus ou moins complètes. Comme pour de nombreux autres fonds, après l’annexion, l’application de la réglementation allemande sur les éliminations de papiers périmés a entrainé de grandes destructions. C’est notamment le cas pour les jugements de simple police qui ont été supprimés pour presque toutes les justices de paix. On retrouvera uniquement ceux de la justice de paix de Boulay, ainsi que quelques épaves des fonds de Cattenom, Château-Salins, Verny et Vigy.

Il est à noter également que les bombardements de 1870 ont détruit l’ensemble des fonds de Bitche et de Phalsbourg, ainsi que presque entièrement ceux de Thionville.

Les fonds de justice de paix des archives départementales de la Moselle sont conservés en sous-séries de 8U à 40 U pour la période de l’an X à 1870 ou 1871. Les deux tiers possèdent des répertoires dont certains alphabétiques, mais certains ne couvrent pas l’ensemble de la période.

Après 1871

Les fonds déposés aux archives départementales de la Moselle pour la période de 1871 à 1958 ne sont pas complets et ne concernent que moins d’un tiers des tribunaux cantonaux. On les retrouve également en sous-série 54U. 


Guide de recherche et compléments

La tableau suivant synthétise l’ensemble des fonds disponibles aux archives départementales de la Moselle concernant les justices de paix et tribunaux de baillage et cantonaux pour la période allant de 1791 à 1958.

Les inventaires des archives des justices de paix tribunaux cantonaux pour la période de l’an X à 1958 sont en ligne en cliquant sur ce lien.

Les inventaires des archives des justices de paix de la période révolutionnaire de la série 2L sont en ligne et consultables dans le document pdf en lien.

Enfin, le département de la Moselle a développé un outil cartographique permettant de visualiser les différents statuts et découpages administratifs de 1869 à 1945.

BIBLIOGRAPHIE 

HIEGEL Charles, 2004. L’organisation judiciaire en Moselle de 1871 à 1940. Archives départementales de la Moselle. 10p.

MALHACHE Jérôme, 2019. La justice de Paix. La Revue Française de Généalogie, n°240, février-mars 2019, pp 26-33.

ROTH François, 2011. La Lorraine annexée 1871-1918. Editions Serpenoises. Metz, 749p.

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